L’Inutile – Steinbach
Action créée en réaction à la crise du COVID-19, mettant en jeu tous mes savoirs-faire, de la rencontre et la capacité d’écoute à la transformation des histoires vernaculaires collectées en matière artistique, l’idée est de créer un journal gratuit, sur le modèle de 20 minutes ou Metro, mais dans un lieu de « déconcentration » de population.
EDITO
Par Nicolas Turon
CHIEN MECHANT, GRILLE OUVERTE
Il a bon dos, l’alsacien vu par « ceux de l’intérieur » : il est souvent considéré comme fermé, ou méfiant, parfois à la limite de l’ostracisme ; alors imaginez comment l’on pourrait considérer les mentalités dans un village construit en impasse ! Car ici, personne ne passe, la route se termine en cul de sac ; seuls viennent à Steinbach ceux qui y habitent ou ceux qui s’y perdent. On a envie de conseiller au maire qui se plaint de son trésor de lever un impôt sur le demi-tour. Une habitante justifie avec humour la topographie de ce village qui ne possède qu’une seule entrée : « on n’avait pas assez de sous pour acheter un deuxième panneau. »
Et pourtant. Si l’on tend l’oreille, on est certain de ne pas se faire mordre. On entendra l’histoire de celui-là qui, strasbourgeois d’origine, a vu son père se faire traiter de SS en s’installant en Franche-Comté. On découvrira cet autre, originaire de Carcassone, arriver en Alsace par amour et finir par tomber amoureux de l’Alsace. On écoutera celle-là dont les parents sont venus des pouilles pour travailler et à qui les maîtresses d’école demandaient de ne pas parler italien à la maison. Alors, seulement, on comprendra que la méfiance et l’ostracisme sont le propre de l’homme, quel que soit son lieu d’habitation. Que l’alsacien a bon dos, mais surtout les reins solides, quand il est alsacien d’adoption.
Oui, ce que l’on apprend ici, c’est qu’il faut se souvenir d’où l’on vient pour apprécier là où l’on est. Que c’est sans doute le meilleur moyen de laisser toutes les grilles ouvertes et de déclarer, à Steinbach plus que partout ailleurs : « Ici, on est bien. »